L’immobilier de bureaux tricolore, marché de prédilection des sociétés civiles de placement immobilier (SCPI), donne d’inquiétants signes de faiblesse. Selon une étude de DTZ, de fin mars, la part des bureaux vacants a bondi de 9 % en Ile-de-France sur un an, à 3,9 millions de m2 de bureaux immédiatement disponibles. L’activité locative est au plus bas depuis dix ans sur le marché des bureaux. D’après IPD-Immostat, les transactions locatives en bureaux franciliens – soit 80 % du marché français des bureaux – ont ainsi chuté de 25 % entre 2012 et 2013.

Or, dans le même temps, les SCPI continuent de faire un tabac auprès des particuliers. Après trois ans de collecte exceptionnelle, ces sociétés ont encore levé 3,03 milliards d’euros en 2013, proche de leur record historique. La rémunération élevée du placement séduit. Avec un taux de distribution entre 5 % et 8 % net, hors fiscalité, sur les vingt-cinq dernières années, peu de produits assurent, il est vrai, une telle régularité. En outre, les SCPI offrent une mutualisation du risque grâce à la détention d’un parc immobilier diversifié. Mais, au vu des signaux d’alertes qui se multiplient sur le marché tertiaire, il faut s’interroger sur la pertinence de continuer à investir dans la pierre-papier.

Les marchés dans lesquels les SCPI investissent sont-ils risqués ?
La dégradation de l’activité économique pèse en effet sur les entreprises et les commerçants qui louent les locaux gérés par les SCPI. Crise oblige, les conditions de négociation entre bailleurs et locataires se durcissent. «  C’est un investissement immobilier avec des locataires, sensible à la crise économique, rappelle Andy Bussaglia, ingénieur patrimonial chez RF Patrimoine, et dont la valorisation évolue en fonction de l’offre et de la demande. Dans un marché en récession, les locataires s’en vont, ne paient plus les loyers ou les renégocient à la baisse pour réduire les charges. » La concurrence entre les acteurs pour acheter les meilleurs actifs s’exacerbe. «  Nous allons de plus en plus vers un marché à deux vitesses, souligne Andy Bussaglia. Tout ne fonctionne pas de la même façon. Certains biens du portefeuille des SCPI sont directement touchés par la crise. » Les actifs très bien situés, proches des transports et dans des zones dynamiques, aux normes les plus récentes ou rénovés, ont naturellement moins de difficultés à être loués et à bon prix que des immeubles vétustes et moins bien localisés.
L’immobilier tertiaire n’est toutefois pas en bulle, nuancent des experts. Si la valeur de l’immobilier d’habitation a plus que doublé en dix ans, le tertiaire a connu une appréciation régulière plus modérée. En témoigne le niveau de rendement actuel : 3 % net en immobilier résidentiel en France en moyenne et un peu plus de 5 % net pour les SCPI d’immobilier d’entreprise.
Les rendements vont-ils baisser ?
Contrairement à ce que la régularité de leur rendement – et le marketing qui en découle – pourrait laisser penser, les SCPI ne sont pas un produit dont la rémunération est garantie comme celle d’un Livret A. Et, comme pour une sicav, les performances passées ne préjugent pas des performances futures. La nécessité de rénover le parc, qui peut entraîner la vacance locative pendant plusieurs mois, le temps de remettre les locaux à neuf, et la tendance à la renégociation des loyers ne sera pas sans conséquence sur le rendement des SCPI. «  Ce mouvement devrait se poursuivre en 2014, estime Eric Pompon, directeur de l’immobilier chez Meeschaert Gestion Privée. Le rendement des SCPI devrait stagner, voire baisser légèrement. »
Quelles sont les précautions à prendre ?
Toutes les sociétés ne se valent pas et une grande sélectivité s’impose. Pour faire le tri entre les 78 SCPI d’immobilier d’entreprise, il faut scruter au préalable la qualité et l’expérience du gestionnaire. Puis, la lecture attentive des rapports trimestriels et annuels des SCPI est recommandée. Elle permet notamment de vérifier la régularité du taux de distribution de la société, qui est un critère déterminant. Décortiquer ces documents d’information donne aussi la possibilité d’évaluer la diversification et la qualité du patrimoine de la SCPI, ainsi que le taux d’occupation (au moins 90 %), indicateur très important. L’épargnant peut se faire aider par des conseillers spécialisés (RF Patrimoine, primaliance.com, ­meilleures-scpi.com…).
Peut-on revendre facilement ses parts ?
Placement de long terme et peu liquide, les SCPI ne sont pas cotées en Bourse. L’achat et la vente de parts sont organisés sur un marché privé par la société de gestion de chaque SCPI. «  Elles ont l’obligation d’organiser un marché de la revente. C’est un énorme avantage, souligne Guillaume de Lonlay, directeur associé du cabinet Lonlay & Associés. Aujourd’hui, parmi les quinze plus importantes SCPI d’immobilier d’entreprise du marché, pratiquement aucune part n’est en attente de revente. »
Anne-Sophie Vion, Les Echos

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